vendredi 6 novembre 2009

Anonymus


Souvent dans un musée on lit près d’un tableau ancien: auteur anonyme. L’anonymat existe encore dans des temps plus nouveaux.

En 1981 je reçus la commission de peindre le portrait officiel de Claude Vaillancourt, président de l’Assemblée nationale du Québec. Monsieur Vaillancourt, député de Jonquière, connaissait mon travail et me fit confiance. Le président précédent, Clément Richard, avait été peint par Jean-Paul Lemieux. Venir après ce dernier était grand honneur pour moi.

Toute fébrile, j’accepte de relever le défi. Au surplus c’est la première fois qu’on confie pareil mandat à une femme. Forte de la crédibilité qu’on m’accorde, je me rends à Québec pour signer le contrat devant le trésorier de l’Assemblée nationale. Celui-ci semble étonné du faible montant que je demande pour mon travail.

Je crois qu’il est de bonne éthique d’exiger selon ma cote, dis-je. Je comprendrai plus tard le motif de sa réaction.

Après trois mois de travail intensif le portrait est terminé et va rejoindre ceux de ses pairs dans la galerie des présidents du Parlement du Québec.

L’incident que je veux évoquer arrive quelques années plus tard.

Richard Guay succède à Claude Vaillancourt comme président. C’est Francisco Iacurto qui réalise son portrait.

Le journaliste Normand Girard, chroniqueur parlementaire, écrit dans le Journal de Québec un article dévastateur sur les éléphants blancs de l’hôtel du parlement où il révèle certaines dépenses qu’il juge excessives. Il cite notamment les portraits réalisés par Lemieux et Iacurto. Il révèle qu’ils ont coûté respectivement 40 000$ et 30 000$. Il mentionne qu’entre les deux, une artiste de Jonquière n’a demandé que 3 000$. Et d’ajouter : le tableau a aussi fière allure…

Même si cela était tout à mon avantage, j’ai bondi en voyant qu’il nommait les artistes qu’il jugeait excessifs et taisait le nom de l’artiste raisonnable. Ma lettre interrogative envoyée au journaliste n’a reçu ni accusé de réception ni réponse.

Anonymus was a woman, a dit Virginia Woolf.


Yvonne
19 août 2008

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