vendredi 6 novembre 2009

Choc des mentalités


Quelques années après la mort de maman, mon père épousa Yvette, une veuve de notre voisinage, qu’il avait connue de façon très romantique en lui portant secours lors du bris de sa corde à linge.

C’était une personne gentille et attentionnée mais elle avait des idées bien arrêtées sur le rôle traditionnel des femmes, ce qui me mit souvent dans l’embarras.

À l’époque, nos quatre enfants allaient tous à l’école. J’avais repris mon travail d’enseignante. De plus je suivais des cours de spécialisation en art au cegep et à l’université.

De sa fenêtre Yvette voyait mes allés et venues et ne pouvait s’empêcher de faire ses remarques à mon père.

J’ai vu Yvonne à sa table de travail cette nuit. Il était bien une heure…Pauvre enfant ! Et ce matin, elle partait à huit heures pour l’école !

Papa qui passait me voir tous les jours constatait que tout allait rondement et que la famille s’accommodait bien de la situation. Il retournait rassuré jusqu’au prochain commentaire :

Elle ne doit pas avoir le temps de faire de la soupe tous les jours. Tiens, Raoul, va donc leur porter cette marmite pour le dîner.

Cela me mettait mal à l’aise, car papa oscillait entre les deux mentalités et scrutait les moindres traces de fatigue chez sa fille.

Un dimanche après-midi de décembre, nos voisins viennent nous rendre visite. Au moment de partir Yvette annonce qu’elle va cuire ses beignes du temps des fêtes.

Des beignes, s’écrit Yves, je ne me souviens plus quand j’en ai mangés.

J’ai beau lui faire de gros yeux désapprobateurs, Yves continue sur sa lancée en insistant sur sa situation de pauvre miséreux.

Quelle semonce il a eu droit après leur départ!

Lors du souper on frappe à la porte. C’est grand-papa qui remet à Yves un bol rempli de beignes encore chauds à partager.

Hein maman, ça valait la peine de me plaindre.


La conciliation travail-famille ne s’est pas faite sans heurt.

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