vendredi 6 novembre 2009

Souvenirs de Grèce


De notre voyage en Grèce en 1978 émergent pour moi deux points mémorables : l’humour de notre beau-frère Gaston et la rencontre d’Anna à Athènes.

Bien sûr que les monuments antiques, témoins de civilisations millénaires, ne laissent pas indifférent, que les dieux et les mythes demeurent omniprésents, que le ciel d’azur ressemble à nul autre. Mais voir cela avec Gaston ajouta une couleur particulière.

Je le connaissais de compagnie amusante, mais jamais à ce point. Il nous surprenait par ses expressions archaïques et spirituelles.

Par exemple au Musée archéologique d’Athènes, Gaston qui nous devançait d’une salle, revient pour nous annoncer que dans la pièce suivante on verrait de maudits beaux cruchons… En effet, de superbes amphores nous attendaient… De même à notre descente du bateau à Santorin il nous prévient qu’on devra prendre un taxi à poil… En effet ânes et muletiers nous attendaient pour accéder au sommet de l’île. Généreux dans la démesure, il disait à Andrée, sa femme, quand elle semblait attirée par quelque chose : achètes-en pour trois mille piastres !

Autre originalité de sa part. Il ne suivait pas les guides. Son tempérament empirique l’amenait à faire seul ses propres découvertes. C’est ainsi qu’à Delphes il avait conclu avec justesse que les ruines de trois villes se superposaient. À croire qu’il avait consulté l’Oracle! Il basait sa conclusion sur ses propres observations de la colline montrant différents matériaux superposés (torchis, pierre et brique) alors que nous avions eu besoin du guide pour l’apprendre.

La rencontre d’Anna fut d’un autre ordre.

Benjamin, un ami américain, sachant que nous allions à Athènes, m’avait donné le numéro de téléphone d’Anna en me priant de la saluer de sa part. Vous devriez bien vous entendre, m’avait-il dit. Anna était agent de bord pour la compagnie Olympic Airways.

Pour ne pas l’obliger, j’ai attendu à dix-neuf heures la veille de notre retour avant de l’appeler. J’ai à peine le temps de lui transmettre les salutations de Benjamin qu’elle insiste pour connaître le nom de notre hôtel.

Ne bougez pas, j’arrive.

Si tôt dit si tôt fait Anna nous arrive et nous invite sans façon chez elle pour prendre l’apéro. Nous ne pouvons refuser une si chaleureuse invitation.

Anna habite un appartement au cœur d’Athènes. L’appartement est luxueux et rempli d’œuvres d’art.
À l’évidence nous sommes chez des gens nantis et d’un statut social élevé.

Mon mari devrait rentrer bientôt, mais venez que je vous présente ma mère, mon fils et ma fille.

Sa maman est âgée de quatre-vingt-huit ans et vit avec eux.

Mon attention est attirée par un lit d’hôpital dans le salon. Un vieillard y repose.

C’est le père de mon mari. Il est plus ou mois conscient. Nous le déplaçons le jour de sa chambre vers le salon car il aime être présent à nos activités. Ici, ce n’est pas comme en Amérique, nous gardons nos vieux parents avec nous.

Cela dit tout simplement sans faire de morale. J’ai eu un pincement au cœur en pensant à mon papa hospitalisé à Métabetchouan loin des siens.

Je m’assoie en face de la maman. Elle me demande en grec comment va son autre fille Maria qui vit à New York et qu’elle n’a pas vue depuis cinq ans. Anna me traduit et me confie que sa mère croit que je connais Maria. Faites comme si, me demande-t-elle.

Elle va très bien, dis-je.

La vieille dame répète inlassablement Maria, Maria… comme autant d’aves venant du cœur.

Je sens son chagrin, je lui prends les mains, je tente par le sourire de la rassurer sur sa Maria… que je ne connais pas.

La porte s’ouvre. Entre un monsieur élégant. C’est l’époux d’Anna. Nous apprenons au cour de la rencontre qu’il est magistrat à Athènes et ami de Mélina Mercouri. L’apéritif pris, nos hôtes nous amènent dîner sur une terrasse au pied de l’Acropole en laissant la garde de leurs vieux parents à leurs deux adolescents.

La soirée est joyeuse et animée tant par le plaisir d’être ensemble que par le ouzo généreux. Les bouzoukis nous enchantent de leurs mélodies si typiques. Ce dernier repas en Grèce fut certainement le plus imprévu de notre voyage.

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