vendredi 6 novembre 2009

Le tango


Claude vient d’avoir soixante-et-douze ans et moi soixante-et-sept. Nous assistons à un concert en plein air au kiosque Edwin Bélanger à deux pas de chez nous sur les Plaines d’Abraham.

Par cette chaude soirée c’est un quatuor de tango argentin qui est au programme. Dès la première pièce nous sommes conquis par la couleur sensuelle du bandonéon. À la deuxième, un couple de danseurs s’avance sur la scène. Ils sont beaux et élégants. Lui, cheveux gominés, tout de noir vêtu. Elle, talons aiguilles, robe rouge à la jupe fendue jusqu’à la taille. La danse qu’ils exécutent est un dialogue de mouvements audacieux, érotiques et sublimes. Tout le spectacle est pour nous pur enchantement. Nous rentrons à la maison en fredonnant des airs de Piazzolla et la tête pleine d’images vivifiantes.

Coïncidence, Le Soleil publie quelques jours plus tard un reportage sur les écoles de tango de Québec.

Que dirais-tu de suivre des cours de tango, Claude?

— Encore, faudrait-il savoir s’il y a une limite d’âge.


J’appelle une des écoles et on me répond:

C’est comme pour Tintin…de sept à soixante-dix-sept ans…

Nous voilà inscrits.

Un monde nouveau s’ouvre à nous. Nous y découvrons des gens charmants dont on ne sait ni le nom ni le statut social, mais qui partagent une passion commune : le tango. Ce n’est qu’au cours de conversations occasionnelles qu’on apprend que l’une est chirurgienne, l’autre vendeur, ingénieur, enseignante...

L’apprentissage du tango n’est pas facile car les danseurs doivent se mettre dans la peau de personnages, macho pour l’homme, séductrice pour la femme. Nous apprenons le maintien du corps, les pas, les figures, mais surtout les rôles dévolus à chaque partenaire. Celui de l’homme est exigeant : il dirige la danse selon la couleur et le rythme de la pièce musicale tout en laissant à sa partenaire des espaces à sa fantaisie. Pour y arriver il doit apprendre à communiquer son intention de façon non verbale. De son côté, le rôle de la femme est non moins difficile. Elle doit être docilement à l’écoute de ce que veut son partenaire tout en apportant à la chorégraphie les embellissements sensuels qui rendent le tango si séduisant.

Lors d’une session intensive, un professeur argentin, Herman, nous a traduit cette idée fondamentale par cette formule : En tango, l’homme voyage, la femme pas pense. Pas facile à accepter pour la féministe que je suis.

Sessions après sessions, nous suivons assidument des cours. Nous y prenons grand plaisir. Notre ambition n’étant pas de faire carrière nous décidons après quatre ans d’arrêter les cours. Nous sommes encore des néophytes. L’intérêt demeure cependant. La musique de tango est présente chez nous. Nous allons parfois danser dans des milongas. Et si un spectacle de tango est à l’affiche, les billets sont vite réservés.

Cette passion nous a menés en 2008 en Argentine, là où cette danse à commencé il y a plus de cent ans. Ce pèlerinage nous a montré que le tango demeure vivant à Buenos Aires. Les spectacles à grand déploiement abondent le soir dans les salles de même que les petites prestations spontanées à toutes heures du jour dans les rues.

Ce voyage a cristallisé à jamais notre amour du tango.

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