vendredi 6 novembre 2009

La Ouananiche


L’été de mes seize ans aura eu une importance déterminante dans ma vie.

En cette année 1947 on célébrait le tricentenaire de la découverte du lac Saint-Jean par un grand pageant comptant au moins deux cents figurants sur une scène extérieure à Desbiens. Notre oncle Laurent Tremblay en était l’auteur et partageait la mise en scène avec le chorégraphe Maurice Lacasse Morénoff. Ce spectacle fut répété une dizaine de fois.

Avec mes sœurs Gilberte et Madeleine je fus invitée à en faire partie.
Ce fut pour moi des moments de rêve. Pour la première fois je vivais dans le monde merveilleux du théâtre et me découvrais une passion pour la danse.

C’est sans doute ce qu’à compris monsieur Morénoff lorsqu’il m’a proposé d’interpréter le solo vedette du numéro intitulé LA OUANANICHE, ce saumon d’eau douce aussi emblématique de la région que le bleuet.

La chorégraphie de ce numéro était descriptive et pleine de vivacité. Sur Pizzicato Polka de Johann Strauss une vingtaine de danseuses personnifiant les ouananiches simulaient le va et vient des poissons dans l’eau à travers des voiles bleutés en mouvements ondulatoires. Vers la fin un pêcheur lance sa ligne. Une imprudente (c’était moi) mord à l’hameçon et c’est dans une pirouette de grande agilité qu’elle est entraînée hors de l’eau. Fin du numéro. Applaudissements.

L’acteur qui jouait le rôle du pêcheur était un charmant jeune étudiant en génie qui s’appelait Robert. Mais le véritable pêcheur de cet été là, portait le nom de Claude. Son travail d’animateur sur le train qui amenait les spectateurs de Chicoutimi à Desbiens lui permit d’assister à toutes les représentations. La première fois qu’il est venu me féliciter dans les coulisses je fus d’emblée séduite par l’élégance de ce jeune homme souriant, portant béret béarnais et appareil-photo en bandoulière. Ses brèves visites successives me donnaient des ailes.

Monsieur Morénoff n’aura jamais su pourquoi la ouananiche, à sa grande satisfaction, bondissait de plus en plus haut d’un soir à l’autre.

La ouananiche, elle, savait quel hameçon magique l’avait piquée.



Yvonne, ballerine


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