vendredi 6 novembre 2009

La chapelière


On venait de loin magasiner chez Madame Amyot. Sa réputation dépassait largement Kénogami et le Saguenay. On allait jusqu’à traverser le Parc des Laurentides pour trouver chez elle la coiffure idéale.

C’était l’époque où le chapeau faisait obligatoirement partie de la toilette et où les femmes ne pouvaient pas entrer à l’église sans couvre-chef.

Utilitaire, il était aussi parure. Il était même l’objet d’un rituel à Pâques où les élégantes se faisaient une coquette obligation d’arborer un nouveau chapeau de paille. Les distractions à coup sûr nous faisaient perdre notre latin pendant la messe.

Revenons à Madame Amyot dont la réputation tenait non seulement de son bon goût mais surtout de sa franchise et de son franc parler. Grande de taille, elle en imposait au sens propre comme au sens figuré.

Un jour, je l’ai entendue dire à une cliente vêtue d’un pantalon :

— Revenez me voir quand vous serez habillée, madame.

Après le départ de la dame :

— Je ne coiffe pas les hommes.

Les habituées apportaient souvent le vêtement qui demandait le chapeau assorti. Madame Amyot réussissait rapidement l’agencement approprié.

J’ai souvenir de mon premier achat chez elle. Je devais assister à un mariage en août. Prévenue, j’avais apporté le costume en jersey blanc-cassé que je devais porter pour l’occasion. Je vois dame Amyot étaler le vêtement sur le comptoir, me regarder attentivement, puis ouvrir un grand tiroir et en sortir un superbe chapeau breton à large bord en velours noir et me le déposer sur la tête. Ravissant!

Dès lors, j’ai compris pourquoi on venait de loin la consulter.

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