vendredi 6 novembre 2009

Le modèle masculin


Peut-on dire que les modèles féminins sont plus intéressants à dessiner que les modèles masculins ? Pas vraiment. Si les premiers expriment grâce et élégance, les seconds dégagent force et puissance. En général, mes étudiants prenaient conscience de la différence et tentaient d’exprimer les caractères de chacun.

Un jour, à mon grand étonnement, une de mes élèves refuse nettement de dessiner le modèle masculin. Par la suite, je constate que lorsqu’un homme pose elle invoque une raison pour s’éclipser, tantôt un mal de tête ou une obligation quelconque. Bref, elle a toujours un alibi pour ne pas dessiner ce jour-là. Dommage, car elle est une de mes étudiantes les plus douées. Son trait de crayon à la Matisse dessine rapidement courbes et formes avec justesse et sensibilité.

Le lendemain d’un cours où ma douée avait encore une fois invoqué un malaise pour ne pas dessiner le mâle, je rencontre par hasard sa mère et je m’informe de la santé de sa fille.

Votre grande va-t-elle mieux ce matin ?

Elle va très bien. Pourquoi ?

En toute simplicité, je lui raconte que sa fille s’absente souvent et que curieusement, c’est toujours lors des cours avec modèle masculin. Silence de la mère dont le visage se rembrunit. Les yeux dans l’eau, elle ose m’en donner l’explication :

Ma fille a été violée à l’âge de quinze ans. Dessiner un homme nu est probablement trop difficile pour elle. Vous comprenez ?

Bien sûr que j’ai compris.

Quelques années plus tard, je croise la jeune fille dans la rue en compagnie d’un bel homme. Radieuse, elle me présente son mari et ajoute d’un air entendu :

C’est un modèle d’homme…

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