vendredi 6 novembre 2009

Mon père, conteur


Mon père était un conteur. Il nous racontait l’Histoire à sa façon par des récits pittoresques où la chronologie n’existait pas. L’Antiquité chevauchait le Moyen-âge, l’Ancien et Nouveau Testament se confondaient avec l’actualité. Avec lui, l’Histoire se déroulait au présent et il était toujours présent dans l’histoire.

Ma mère par souci de rectitude remettait subtilement les choses en ordre à la fin du récit.


Compagnon des héros

Papa nous servait ses héros favoris dans des versions différentes toutes aussi passionnantes. La diversité de son auditoire stimulait son imagination.

Ses récits commençaient toujours par : Quand j’étais avec… ou… Un jour alors que nous étions… et moi…

Le comble de ses fantaisies l’amenait à mettre en scène Gengis Khan, Buffalo Bill et Josué dans le même récit. Mais ordinairement il nous racontait les faits héroïques d’un seul héros à la fois. Alors cela devenait une grande fresque abondante de détails savoureux.

Avec Gengis Khan, chef des Mongols, il nous a amenés en Russie, en Chine, en Perse, à la conquête de l’Asie. Nous avions droit à la longue chevauchée des troupes, à la couleur des chevaux, à la fatigue des hommes, à une description des habits des vaincus et des vainqueurs.

Buffalo Bill fut à mon avis son super héros. Pensez donc, tuer 69 bisons en une journée! Papa nous a raconté que cet homme avait dirigé le spectacle le plus populaire du monde qu’il a présenté dans toute l’Amérique du nord y compris au Canada et à Paris en 1905 au pied de la tour Eiffel devant trois millions de spectateurs. Il avait recréé en spectacle l’atmosphère de l’Ouest américain, la chasse au bison et l’attaque d’une diligence. Mon père était de tous les numéros.

Quant à Josué, nous avons entendu le son des trompettes antiques utilisées par les Hébreux contre les murailles de Jéricho lors de la conquête de Canaan.

Josué m’a envoyé dire à ses hommes de faire sonner les trompettes pendant sept jours en faisant sept fois le tour de la ville. À la fin, les murailles de Jéricho se sont effondrées et on a pu prendre la ville.

Notre père savait saisir le moment opportun.


L'histoire sans fin

Un soir d’été à la brunante nous prenons l’air sur la galerie. Simon, mon cousin de douze ans, est en promenade chez-nous. Papa commence à voix basse cette histoire sans fin et en augmente progressivement le crescendo:

Dans les sombres forêts des Apennins existe une caverne de brigands. Le chef dit à l’un d’eux : Nicodème, raconte-nous une de ces histoires qui font trembler les montagnes et frémir les passants. Nicodème commença ainsi :

Dans les sombres forêts des Apennins existe une caverne de brigands. Le chef dit à l’un d’eux : Nicodème, raconte-nous une de ces histoires qui font trembler les montagnes et frémir les passants. Nicodème commença ainsi :

Dans les sombres forêts des Apennins existe une caverne de brigands. Le chef dit à l’un d’eux : Nicodème, raconte-nous une de ces histoires qui font trembler les montagnes et frémir les passants. Nicodème commença ainsi :

Dans les sombres forêts des Apennins…



Simon affolé s’écrit :

Arrête mon oncle, ça m’poigne dans l’dos!



Soirée de famille à la maison familiale


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