vendredi 6 novembre 2009

Heure mauve


C’était en 1975 lors d’une exposition collective de peinture au Cégep de Jonquière. Un jeune couple me demande si je veux bien leur vendre l’œuvre intitulée HEURE MAUVE. Je conservais cette huile dans ma collection particulière et elle n’était pas à vendre. Je leur propose d’autres tableaux. Rien à faire, c’est celui-là qu’ils veulent.

À cette époque, je n’avais pas encore peint de personnages dans mes tableaux. Sans le savoir je m’y acheminais tout doucement. Des portes entrouvertes, de longs couloirs laissaient deviner une possible présence humaine. HEURE MAUVE s’inscrivait dans cette étape de mon cheminement. Comme son titre le suggère, c’était une huile monochrome dans des tons de mauve où on voyait une porte ouverte sur un espace clos et sombre et, adossée au mur du premier plan, une chaise droite, vide et noire. C’était un tableau énigmatique qui suggérait l’attente ou l’absence.

Quelques années passent. Le directeur de la galerie l’Heptade me demande de lui apporter de nouvelles œuvres à vendre. Plongée que j’étais dans un nouveau thème que je réservais pour une future exposition, je sacrifiai HEURE MAUVE.

Deux jours après, le tableau était vendu. Le galeriste m’explique :

Un homme a vu la toile dans la vitrine. Il est entré tout excité n’en croyant pas ses yeux en disant : « elle le vend? » Il nous a affirmé avoir eu naguère un choc lors d une exposition au Cégep et qu’il voulait l’acquérir.

Il s’appelait Pierre Caron.

Le mois suivant je lis avec stupéfaction dans le journal qu’une jeune dame venait de perdre la vie dans un accident. Elle était l’épouse de Pierre Caron.

HEURE MAUVE venait de prendre tout son sens.

Mystérieux cheminement d’une œuvre d’art.

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