vendredi 6 novembre 2009

Étudiante à Toronto


En 1981, la Galerie Cardigan-Milne de Winnipeg où je tiens une exposition prévoit des rencontres avec des journalistes, dont une entrevue à la télévision CBC.

Mes connaissances très limitées de la langue de Shakespeare se résumant à peu près à yes et no, l’entrevue fut, à mon sens, désastreuse.

Sitôt sortie des studios, ma décision était prise : je vais étudier l’anglais.

Fortuitement le Seneca College de Toronto offre des cours d’immersion anglaise en partenariat avec le Collège de Jonquière. Je m’y inscris pour la saison estivale et j’accepte la pension chez une dame charmante du nom de Barbara McKay.

Investie de mon statut d’étudiante, je vole vers Toronto laissant mon homme à sa débrouillardise pendant six semaines, bien décidée (rien de moins) à revenir bilingue.

En plus des cours au collège durant la semaine, les jours de congé me donnent des occasions de parler anglais.

C’est ainsi que dame McKay qui travaille comme bénévole à la Art Gallery of Ontario m’invite souvent à l’accompagner et je peux de ce fait rencontrer des gens et converser.

Un soir de première où tout le gratin mondain de Toronto afflue, Barbara me confie la responsabilité de distribuer l’appareil audio-guide aux visiteurs et de leur en expliquer le mode de fonctionnement. Belle occasion pour moi de pratiquer mon anglais.

Confiante en mes capacités, je m’enhardis à ajouter un peu de fantaisie à ma job. En ajustant l’appareil sur l’oreille de certains gentlemen, je les félicite, dans mon meilleur anglais, sur la beauté de cette partie de leur anatomie.

What so beautiful ear you have sir!
You thing so ? dit le quidam intimidé.

Un autre rétorque: It is the first time I receive such compliment. Thank you !

Un troisième dit à sa femme : You never told me… Is it true?

Je continue mon manège sous l’œil amusé de Barbara jusqu’à ce qu’un élégant monsieur me demande dans un français impeccable :

De quelle région de France venez-vous, madame?

Cet honorable consul de France à Toronto (il s’agissait bien de lui) m’a du coup prouvé que mon accent révélait que je n’étais pas une vraie English woman .

Je ne suis pas revenue totalement bilingue de ce séjour, mais je suis rentrée chez moi très contente d’en savoir un peu plus que lors de mon interview à la CBC de Winnipeg.

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